Démocratiquement vôtre, (2/3) Oui mais comment ?


Démocratiquement vôtre, (Partie 2/3)  Oui mais comment cela fonctionne ?

Puisque nous nous intéressons au gouvernement démocratique intéressons nous à quelques questions :  

  • Comment ce peuple prend t’il le pouvoir ? 
  • Comment peut-il exercer ce pouvoir ? 
  • Comment est constitué son gouvernement ?
  • Quels principes sous-jacents permettent de rendre possible ce gouvernement par le peuple, sans anarchie et en restant efficace ? 
  • Comment cette démocratie dérive au point de devenir un objet de doute , de refus, d’échec ?

Ce sont les vraies questions qui définissent d’une part la nature du pouvoir et d’autre part la façon dont ce pouvoir est mis en œuvre et des risques qu’il encoure dés sa création.

Ces modalités particulières définissent, à leur tour, le champ de notre pouvoir personnel sur la société et le champ de nos libertés individuelles. 

Là encore il ne s’agit pas de réaliser un tableau de toutes les formes prises ou possibles par la démocratie, mais de rechercher les points cruciaux, ceux qui déterminent un type ou une forme de démocratie, et ceux qui semblent la détruire  ou l’abimer.

Les constitutions politiques et démocratiques.

Les constitutions définissent les pouvoirs et le rôle des différents organes politiques, elles doivent garantir l’équilibre des pouvoirs, comme vu précédemment, entre le législatif, l’exécutif et la justice.
Mais aussi la présence d’une ou deux chambres, les pouvoirs du gouvernement, la présence ou non d’un exécutif  bi ( par ex : Président + premier ministre ) ou monocéphale ( par ex: Un président ou un premier ministre ). Il faudrait aussi ajouter les règles des élections, des modes de scrutin…
Les constitutions démocratiques prennent comme principe que le pouvoir s’attribue par une élection, dont elles déterminent les modalités et les électeurs sur le principe « un homme une voix », même s’il s’agit de représentants élus eux même selon le même principe.

La révolution et l’élection : La prise du pouvoir démocratique.

Toutes les démocraties ne sont pas nées d’une révolution violente comme en France.  En Angleterre ou en Belgique, il s’agit plus d’une évolution du régime politique, certes sous la pression populaire ou bourgeoise. 

Après une histoire propre à chaque état ou nation, le peuple arrive donc au pouvoir.

Dans la plupart des situations historiques, après des étapes intermédiaires, comme des gouvernements ou des assemblées provisoires , certaines de ses assemblées s’intitulent “constitutives” lorsqu’elles rédigent et ou adoptent un texte constitutionnel, une situation politique stable se dessine avec des organes de gouvernement, des institutions , des assemblées légiférantes, un gouvernement ou un exécutif aux fonctions définies en règle générale par les pouvoirs régaliens (Voir Part 1). 

La logique élective, le pouvoir exercé par le peuple.

Vous savez probablement que le principe des élections tel que nous les connaissons, programme-campagne-vote n’a pas toujours été le système retenu pour choisir des dirigeants, ou des représentants, en démocratie. Le tirage au sort était assez répandu à l’époque antique, il permettait de se prémunir de tout clientélisme, achat de vote, et autres stratégies d’un groupe pour l’accès au pouvoir, et il permettait d’entretenir la possibilité de l’accés au pouvoir par chacun, ce qui garantissait l’adhésion de tous. 

Par ailleurs, il ne faut pas mélanger l’adoption de lois et l’élection de représentants, si le peuple ne vote pas directement les lois, il peut par exception le faire et surtout élire des représentants qu’il charge de voter en son nom les lois.

Finalement , que ce soit pour le vote des lois ou pour l’élection de représentants, ce n’est pas le peuple qui choisit directement. Il ne peut y avoir de référendum permanent, où chacun pourrait participer, pour voter des lois, décider de la façon dont elles seraient appliquées, élire tous les responsables de l’administration, de la justice, des impôts… En bref, même dans une réelle démocratie et en dehors de quelques communautés de peu d’individu, nous devons admettre que seul un système de représentation est opérant. Avant de mettre en œuvre cette conclusion le parcours historique a été long, du tirage au sort, au vote par acclamation, du vote à l’unanimité au vote à la majorité, nous avons dû beaucoup expérimenter.

Lire sur ces sujet par exemple (*)l’article du monde de Marion Dupont du 3/12/2021 intitulé : « De la démocratie athénienne à la Ve République, qu’est-ce qui nous pousse à voter ? »

Qui peut voter ? 

La question du corps électoral, c’est à dire la définition de qui peut voter, est primordiale.
Nous connaissons aujourd’hui le suffrage universel, qui autorise à voter tous les adultes majeurs ayant la nationalité Française , et non déchu de ses droits électoraux. 

Plus complexe , mais limitant les personnes votantes, il y avait le principe du vote censitaire , c’est-à- dire une possibilité de voter liée à un minimum d’impôts payés (le “Cens”) par les électeurs,.

Dans l’histoire du vote en France nous alternons entre vote Censitaire 1789 et vote au suffrage dit universel. Mais il faut bien noter que cette universalité peut être relative.  En France, les femmes n’avaient pas le droit de vote jusqu’au 21 Avril 1944 ou par ordonnance le général De Gaulle accorde le droit de vote aux femmes. Une des justifications curieuse à connaître est que les femmes n’avaient pas le droit de voter du fait du principe de la conjugalité qui voulait que les épouse inscrites dans un couple marié ne faisant qu’un avec leur époux et par conséquent quand celui ci votait, c’est en fait le couple qui votait.

Cette question du corps électoral en cache une autre plus profonde et qui touche aux risques de la démocratie, qui peut dessaisir une oligarchie gouvernante de son pouvoir direct et indirect. En effet dès 1789 par exemple on réduit le corps électoral parce qu’on a peur du “peuple”, il faut donc a minima être un citoyen qui paie des impôts (3 jours de travail minimum) sorte de dénominateur commun, qui autorise à penser qu’ainsi n’importe qui ne vote pas. 

Comment se fait le Vote, l’impact du mode de scrutin ?

La question du (*)mode de scrutin est aussi fondamentale. Intuitivement nous en connaissons deux, le scrutin majoritaire et le scrutin proportionnel. Le premier vise à faire sortir une majorité des urnes en obligeant à un choix unique souvent sur un nom, et donc le vaincu n’est pas représenté. Le scrutin proportionnel vise à représenter l’ensemble des courants présents en fonction de la part d’électeurs votants pour chacun d’eux. Il est possible de mixer les deux, d’établir une coalition de gouvernement et un programme commun de gouvernement où chacun trouve des solutions acceptables pour l’autre sur les sujets qu’il défend ou du moins concentre ses efforts sur les sujets traitables en commun.
A la différence de ses voisins européens, il est vrai que cette culture du compromis, de la négociation, de la coalition, ne s’est pas développée en France au moins depuis la fin de la 4éme république ou la seconde guerre mondiale. 

Le débat pour ou contre ces deux types de scrutin tourne toujours autour de la possibilité au non d’établir globalement une majorité pour prendre les décisions , ou sur la possibilité d’établir ou non un consensus pour décider et gouverner que ce soit une commune, un département ou la France.

Il n’y a pas de bon (*)mode de scrutin, l’avantage du scrutin majoritaire est clair, il permet de dégager des majorités assez robustes dans la plupart des cas. N’oublions pas que dans le cas de la France depuis le 4 juillet 2024, précisément ce mode de scrutin majoritaire n’a pas permis de dégager une majorité.  En effet, si il y a bien eu des vainqueurs locaux, cela n’a pu se faire que dans le cadre d’un front républicain. Le but de ce front était autant de permettre à certains partis, devenus minoritaires, de garder des députés, que d’empêcher l’élection d’une majorité de représentants d’un autre parti réputé non-républicain. 

Nous pourrions penser qu’avec un scrutin proportionnel à un tour nous aurions eu une assemblée globalement à droite, mais qui aurait autorisé plus facilement un accord de coalition…. C’est de la politique fiction probablement … 
Dans une société assez morcelée ou la survie politique d’un parti vient de sa capacité à s’identifier clairement aux yeux des électeurs, il est certain qu’une élection au scrutin proportionnel aurait l’avantage de pousser les partis, beaucoup plus rapidement après le scrutin, à des regroupements et à des propositions de compromis en vue d’une coalition.

Un autre avantage serait d’éviter une radicalisation des opinions et des propositions. Une élection sur deux tours conduit souvent les discours politiques à se polariser et à se radicaliser dans le but d’attirer les votes des électeurs proches et souvent plus extrêmes . Cela rend difficile les solutions de compromis ultérieures.
Dans la situation actuelle, ce mode de scrutin aurait l’avantage de ne pas contraindre des partis minoritaires à trouver des accords politiques dont le seul objectif est de maintenir un certain nombre d’élus en place.

La question du vote majoritaire et du vote Blanc.

Il y a deux questions relatives au principe du vote, un homme-une voix.
La première, c’est la question de la majorité elle-même.
Pour des raisons d’efficacité et de difficultés à faire l’unanimité, nous avons admis que la majorité de 50% permet l’adoption d’un texte ou l ‘élection d’un représentant politique. Nous avons un peu oublié qu’être élu à 50,01% ou qu’un texte voté à 50,01%, exclu 49,99% des votants. Certes c’est la règle majoritaire indispensable, mais pour des sujets importants, des décisions clivantes, ou des élections ou le pouvoir délégué est très important, cette règle écarte systématiquement, et quelquefois pour très longtemps, une part des idées et des personnes du pouvoir politique. C’est une situation que nous avons connu avant l’arrivée en 1981 de la gauche en France, et que nous connaissons maintenant avec le RN maintenant. Et cette situation vient aussi du fait que la polarisation empêche une porosité des idées, et un esprit de compromis qui permettrait de mieux tenir compte des idées des oppositions et donc, et s’en est la raison, d’une part importante du corps électoral.
De fait les constitutions distinguent déjà des domaines où une majorité qualifiée , 60% ou plus, est nécessaire et de ce fait se font plus inclusives. Mais une façon d’augmenter l’adhésion des électeurs serait surtout d’accepter plus de compromis et de négociation, sans en dire qu’il s’agit d’une trahison d’un côté ou un déni de démocratie de l’autre.

Un deuxième point est important:  La prise en compte des (*)votes nuls ou de l’abstention.
Depuis de nombreuses années, nous constatons sur de nombreuses élections une érosion de la part de votants par rapport aux inscrits sur les listes électorales, pour parfois atteindre une abstention de prés de 50% des votants. Soyons clair cela veut dire qu’un élu à 50% dans ces conditions l’est avec 25% des votants. Si on considère qu’outre les 25% qui n’ont pas voté pour lui, une part importante de l’abstention doit être entendue non pas seulement comme un désintérêt mais comme un rejet des candidats, le vote « contre » devient majoritaire. Pour tenir compte de cette difficulté pour certaines élections, il existe au premier tour des seuils minimums de votants, mais la question reste entière.
Faut-il rendre le vote obligatoire, faut-il augmenter les seuils de minima de votants ?
Le décompte détaillé des votes pour évaluer les % relatifs de vote, sans intervenir dans le calcul des « minima » de votants probablement,  serait déjà une mesure importante et son affichage permettrait de réaliser la relativité d’une élection. Incitant à plus de modestie au-delà de la déclaration de principe, « je suis l’élu de tous les Français ». Sous entendu je saurais tenir compte de vous et de votre avis… Ce qui bien sur ne se fait pas. Les Français ont été nombreux à ressentir ce lâchage après avoir voté J.Chirac, alors opposé à Jean-Marie LE PEN, . Faut-il encore tenir compte des réactions des partis politiques, refusant toute « collusion » et incapable de négocier.
Nous parlons souvent du « message » envoyé par le peuple, cela veut souvent dire « Oui nous sommes conscient que nous avons gagné dans les urnes, mais qu’une part des votes ne porte pas sur nos propositions ». Là encore ce constat reste lettre morte.
Il reste qu’une fois élu ,un représentant du peuple est légitime. Qu’une fois une loi adoptée, elle est légitime. En évoquant ces questions de prise en compte politique d’un électorat, nous sommes plus dans le vœux pieux que dans la réalité.
Pour mémoire une élection, une loi est contestable en justice.

Reste donc, in fine, la nécessaire culture de la discussion et du compromis qui seule peut permettre de rééquilibrer politiquement ses dispositions nécessaires au nom de l’efficacité.

Le deal démocratique, le principe de la confiance démocratique.

L’abbé Emmanuel Joseph Sieyès dit dans son (*)discours du 7 septembre 1789 aux états généraux : 

  « Les citoyens qui se nomment des représentants renoncent et doivent renoncer à faire eux-mêmes la loi ; ils n’ont pas de volonté particulière à imposer. S’ils dictaient des volontés, la France ne serait plus cet État représentatif ; ce serait un État démocratique. Le peuple, je le répète, dans un pays qui n’est pas une démocratie (et la France ne saurait l’être), le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants.

Il est donc incontestable que les députés sont à l’Assemblée nationale, non pas pour y annoncer le vœu déjà formé de leurs commettants directs, mais pour y délibérer et y voter librement d’après leur avis actuel, éclairé de toutes les lumières que l’Assemblée peut fournir à chacun.»

Nous sommes en 1789 et la démocratie est alors comprise comme le pouvoir direct du peuple, sans intermédiaires. Il reste que cette démocratie représentative trouve là son fondement en refusant la parole direct du peuple et en la permettant qu’a ses représentants. Ce n’est bien sur que l’avis de l’abbé Sieyès.
Mais ce principe de la représentation impose un autre principe, celui d’accepter le résultat des votes.  Il y a donc un deal passé avec les électeurs, le vote pour un candidat et un programme contre l’acceptation des décisions prises ultérieurement. Nous votons donc pour celui ou celle qui nous semble le mieux représenter nos intérêts, ou les idées que nous souhaitons soutenir,  et qui a un programme d’actions qui nous parait convenir au gouvernement de notre pays, région, localité.
Nous déléguons notre pouvoir démocratique, c’est la raison pour laquelle nous parlons de (*) »mandat » électif. Nous donnons le pouvoir d’agir en notre nom, ce qui inclut l’acceptation des décisions prises quelles qu’elles soient. C’est le premier principe de la démocratie représentative. 

C’est aussi là que se cristallisent des difficultés. Finalement, nous aimerions que nos députés  votent selon nos propres choix. Si nous estimons qu’une loi n’est pas celle que nous envisagions, ou qu’elle ne défend pas suffisamment nos intérêts personnels, nous allons avoir tendance à refuser cette loi, à la contester, à considérer que nous avons été trahis et donc à contester plus ou moins brutalement la légalité même de cette loi. En diffusant ce rejet en soutenant publiquement l’idée que le vote n’est pas légitime, que telle décision est inique, que le président, les députés devraient être démis, nous soutenons cette idée que la démocratie ne fonctionne pas, qu’elle doit être rejeté , abandonné., que le personnel politique ne fait pas son travail.
Il n’est pas question ici de dire qu’aucune contestation ou manifestation d’un désaccord n’est possible, mais de ne pas transformer ce désaccord , notamment avec l’aide des réseaux sociaux, en contestation de la légalité ou de la légitimité de la loi, et de nos représentants.
Des institutions comme le conseil constitutionnel, le conseil d’état sont là pour dire la constitutionnalité ou la légalité d’une loi.
Cette forme de contestation brutale qui autorise à contester non simplement le contenu et le sens d’une loi, mais plus radicalement, la démocratie, nos représentants légitimement élus , et la loi elle-même , conduit au rejet du mandat électif et du principe de la démocratie représentative.  En faisant cela, nous ouvrons le champ de la violence politique.

Ainsi est rompu le deal démocratique, sans lequel la démocratie ne peut s’exprimer, on parle alors de la perte de confiance démocratique.
Il faut donc tenir compte à la fois de ce deal frustrant et de la volonté populaire. C’est ici un point de cassure avec nos citoyens. Comment faire ? 

L’exercice du pouvoir partagé et légal : Le parlementarisme démocratique.

Que se passe t’il au parlement ?
Le parlement c’est l’espace où se fait l’approbation des lois, le vote du budget de l’état et des impôts, la définition des orientations politiques, que les ministres mettront en œuvre avec leurs moyens propres.
Mais ce parlement a une composition politique. Il est composé des tendances politiques incarnées dans les partis politiques, en France ce sont les groupes parlementaires qui remplissent cette fonction. Même si nous avons souvent le sentiment contraire, le parlement acquiert alors un rôle d’espace de discussion entre ces partis, groupes, qui réunissent les élus ayant les mêmes orientations politiques.
Il est le lieu de la recherche d’équilibre , de la prise en considération des orientations politiques des partis. Dans un parlement comme celui de la France , les grands domaines législatifs, lois, finances, affaires étrangères,…,   font souvent l’objet de commissions, permanentes ou non, chargées de préparer le travail parlementaire , le vote des élus, pour en permettre une discussion en assemblée et possiblement d’amender, c’est à dire de proposer des modifications, compléments des lois. 
Ce travail est fondamental, il met finalement en oeuvre la démocratie, c’est là que s’exprime le débat démocratique, l’affrontement des orientations politiques. En quelque sorte c’est le travail le plus important des parlementaires. Du fait de la logique des majorités, c’est le lieu ou peut être élaborer une loi qui tienne compte au mieux des intérêts d’un maximum de citoyen. Et souvent un travail transpartisan est possible sur un très grand nombre de sujets.
Souvent le vote et le débat public sur les bancs du parlement, n’est qu’une forme d’expression publique des tendances politiques, avant un vote systématique des textes de lois.
On peut tout de même noter que certains textes vont faire l’objet de votes trans-partisan ou de répartition des votes, certains élus vont exceptionnellement voter des textes en opposition avec leur parti . 

Sans ce débat au parlement et donc ces travaux préparatoires en commissions également, il n’y aurait pas de véritable démocratie.
On comprend mieux, avec les risques que cela représente , à la fois la nécessité et le danger politique que peut représenter l’utilisation de certaines règles constitutionnelles permettant d’outrepasser le travail en commissions et le vote au parlement. Par exemple le fameux article 49.3 de la constitution française qui permet de faire adopter un texte sans vote, ni discussion. Notre constitution fait alors primer l’efficacité et la stabilité politique.

Le parlementarisme démocratique est donc cette capacité à discuter, à chercher un accord, ou la diversité des représentations politiques et le jeu des majorités permettent d’établir un véritable débat et d’obtenir une décision. Disons que plus la majorité des députés sont politiquement proches , et plus le vote des lois se fait avec moins de recherche d’équilibre politique dans les décisions prises.
A ce titre le fait d’avoir, que ce soit par construction comme en cas de mode de scrutin proportionnel ou par morcellement comme nous l’avons récemment connu en France, aucune majorité arithmétique des élus réunis sous la même bannières ne permet pas , de toutes façons, d’obtenir une approbation des lois sans de très grandes concessions.
Dés que cette majorité n’est pas absolue, moins de 50%, la nécessité d’un accord de gouvernement, ou la recherche de consensus est indispensable.

Sans remettre en cause le principe de la majorité qui voit donc s’imposer à tous une décision, nous pouvons considérer que très souvent dans un vote une part des orientations, des idées, des volontés des citoyens n’est de fait pas représentée.
S’ouvre alors un dilemme entre efficacité et recherche de consensus politique, qu’une constitution essaie de résoudre. En France le fonctionnement un peu chaotique de la 3ème et 4ème république , l’instabilité gouvernementale, la difficulté à dégager des majorités au parlement, a conduit au choix d’un système permettant de dégager plus facilement des majorités.
Sous la 5ème république , les cohabitations politiques des années 1990-2000,  et la situation actuelle, montrent les limites des règles de majorité, qui dès lors qu’elles ne parviennent plus, peu importe la raison, un front républicain par exemple. Elles ne permettent plus alors de dégager une majorité suffisante, et rendent extrêmement difficile l’exercice du gouvernement.
On peut aussi penser que cette situation historique de plus de 45 ans (1957-2024) , ou des majorités se définissait assez vite et bien qu’une bonne chose d’un point de vue de l’efficacité politique, a eu comme effet néfaste, d’une part de marginaliser politiquement une part croissante de français, représentant à ce jour plus de 30% du corps électoral et de ne pas développer une culture du compromis, de la recherche de consensus.
La polarisation des idées , qui a simplifié à la fois l’alternance politique et la conduite de politiques a aussi rendu difficile la recherche de points communs, d’accord partiels ou temporaires qui aujourd’hui nous permettraient d’avancer.
Ainsi si négocier c’est trahir, le compromis est devenu inacceptable. 

Le Gouvernement démocratique : 

Un gouvernement démocratique c’est un gouvernement qui agit au nom du peuple. C’est l’organe d’administration de la société, de la nation, du peuple. Il a donc reçu le pouvoir de diriger, de décider de l’organisation. C’est un très grand pouvoir, par des ordonnances, décrets, et des arrêtés , le pouvoir exécutif peut déterminer la vie réelle des administrés. Ainsi les Décrets d’application précisent la loi et en donne les règles de mise en oeuvre ce qui laisse une marge de manoeuvre pour une application plus ou moins extensive d’une loi par exemple, d’autres décrets dits “autonomes” viennent combler ou compléter les domaines qui ne relèvent pas de la loi (définition par défaut) (*)car l’article 34 de la constitution détermine le domaine de la loi. et l’article 37 précise que “Les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire.”
Enfin le gouvernement peut édicter des Ordonnances, avec l’autorisation préalable du parlement , qui vont momentanément délégué un domaine de la loi au gouvernement , notamment en cas d’urgence, cette possibilité a été utilisée pour le COVID. 

C’est dire que le pouvoir du gouvernement démocratique est très important. C’est le cas dans toutes les démocraties libérales. A partir de lois existantes ou lorsqu’un domaine peut apparaître comme ne relevant pas de la liste du domaine de la loi, il est très facile pour un gouvernement de fixer lui-même des règles. Cas de la revalorisation du SMIC en France par exemple ou des minima sociaux.
L’état d’urgence est aussi fixé par décret, pour 12 jours maximum en France.

Il faut donc considérer que si un gouvernement ne peut décider seul de tout, il peut soit infléchir, soit imposer un très grand nombre d’obligations aux citoyens. Une grande part des libertés démocratiques, notamment dans les domaines du contrôle policier par exemple réside donc dans une vision de la démocratie, de la volonté d’un gouvernement à respecter des principes, qui ne lui sont pas imposés par la constitution , et qui relève de son sens politique ou de son orientation politique.
De ce point de vue , il ya un équilibre à trouver entre le gouvernement et le parlement , d’autant plus que les orientations politiques peuvent varier dans le parlement lui-même, ou dans la composition du gouvernement. L’orientation politique du gouvernement et du parlement évolue aussi au gré des élections et nous venons en France de le constater.  

L’équilibre démocratique

Logique institutionnelle, le dialogue parlementaire et le consensus nécessaire. 

Même si nous en avons gardé un mauvais souvenir, du fait de l’instabilité gouvernementale , il ne faut pas oublier que sous la 4éme et 5éme république de nombreuses lois fondatrices, très clivantes et forcément issues de très long compromis ont vues le jour par exemple : la Loi de la séparation de l’église et de l’état en 1905, la liberté d’association 1901,.. les lois sur la presse, celles de la fondation de l’école publique par Jules Ferry, … 

En restant dans l’exemple Français, plus récemment il aurait pu en aller de même avec les lois sur l’immigration, la fin de vie, la retraite… ou le consensus , le compromis intelligent est indispensable pour être plus inclusive.
Comment ne pas être sidéré de l’attitude de nos parlementaires , voire syndicats, refusant de négocier les carrières longues, la question des séniors et des femmes. En privilégiant une stratégie du refus en bloc , finalement nous nous retrouvons avec une mauvaise loi sur les retraites, dont le nouveau gouvernement (Oct 2024) parle, très  politiquement à son tour, d’un « possible » amendement. Désolé c’est une faute politique de nos partis et de nos syndicats, qui n’ont pas protégé les citoyens au nom d’une stratégie politique et pas seulement d’une objection réelle. Nous pourrions trouver d’autres exemples pour d’autres majorités politiques.

Probablement “in medio stat virtu” ce qui se traduit par : “la vertu se tient au milieu”.

Logique démocratique et organisations lobbyistes. 

Le parlement et le gouvernement, ainsi que toutes les institutions publiques, font l’objet d’influence, de lobbying de la part d’organisations externes, des lobbys dit-on, qui agissent pour justement influer sur les décisions prises dans la loi, mais aussi et souvent de façon très subtiles, voire aussi secrètes, auprès des ministres pour influer sur les décrets d’application par exemple. Toutes les organisations politiques et administratives de l’État font l’objet de ses influences. (*)La démocratie passe par ce jeu des relations et des pressions par l’argent, le chantage, la pression de la rue dit-on, le risque de dénonciation publique…

Pour autant c’est aussi dans cette expression des opinions et des jeux d’influence que s’expriment les intérêts de chacun. Les chasseurs, l’agro-alimentaire, les protecteurs de la nature , les familles d’enfants autistes, les organisations confessionnelles… pour ne faire qu’un petit inventaire à la Prévert.
Il n’est pas possible de refuser que ces opinions, ces intérêts, s’expriment. C’est à ce prix aussi que se fondent les orientations, les réflexions.

Dès lors que nous acceptons l’idée que tout le monde peut exprimer ces idées et opinions, principe de nos sociétés dites démocratiques, peut-être devrions nous réfléchir à comment faire pour intégrer mieux cette démocratie bouillonnante, hors institutions, qui apparaît comme un no man’s land, une zone sans droit, un terrain miné où règne le rapport de force, la duperie, les intérêts de quelques-uns.

La presse et les médias 

La presse écrite ou orale, les médias, se sont imposés comme mode de communication entre tous. La ou un homme du 19ème siècle ne lisait qu’au mieux une fois par semaine un journal,  nous sommes nous , réseaux sociaux inclus, sur-alimenté en permanence d’informations. (*)La sphère politique ne peut y échapper.  Et bien évidemment tous ces médias jouent le rôle de caisse de résonance, d’amplificateur de tous messages quelle qu’en soit la véracité , l’origine, l’intérêt. Son fonctionnement relève d’une science à la fois Psycho-sociologique, voir cognitive et il est naturel que ce champ est sa propre autonomie. Les rois de l’ingénierie sociale, des relations publiques, s’en sont emparés, pour tenter de manipuler, renforcer le pouvoir de lobbys… Et cela ne s’arrêtera pas.

Il est vain de dire que les médias font les opinions, et manipulent le “peuple”, en diffusant une “information”,  c’est par essence leur fonction. Nous ne devons pas avoir de naïveté sur le traitement de l’information, c’est une technique qui n’a aucune morale, que le journaliste ou l’auteur veuille ou non garder une « objectivité » même si il y a une marge entre diffuser des Fake-news et tenter d’informer au mieux. A nous d’éduquer, de refuser les opinions toutes faites, d’interroger les sources, de rechercher les faits vérifiés. C’est un outil très puissant que nous devons apprendre à maîtriser et, si nous le faisons bien , nous en reprendrons le contrôle , non pour diffuser une opinion, une vérité , mais pour permettre à chacun d’évaluer ce qui lui est dit, imposé, proposé. C’est la seule solution viable sauf à basculer dans l’autocratie.

Conclusion.

Nous ne pouvons donc pas repousser cette réalité démocratique, la contraindre brutalement c’est supprimer des libertés auxquelles nous tenons. A commencer par la liberté de la presse. 

La démocratie est donc un jeu d’équilibre permanent , bien au-delà de la perception que nous en avons au travers de quelques contestations dans la rue ou de débats mouvementés dans l’hémicycle.
Ces équilibres complexes doublés des manipulations politiques, des mensonges , du sentiment d’anarchie, de gabegie, d’abus de fonds publics, d’inorganisation, de perte de temps, laissent ce sentiment amer que la démocratie ne fonctionne pas, qu’elle est un mauvais régime politique , car chacun ne paraît penser qu’à son intérêt. 

Cette situation génère un refus, un dégoût, un rejet, qui s’exprime dans l’abstention, le vote radical, la contestation permanente, la polarisation et la radicalisation des discours et nous avons vu pourquoi.
La démocratie par construction génère bien ces troubles par elle-même parce que justement elle veut rendre le citoyen libre, capable de juger par lui-même. 
La liberté d’expression est un de ses fondements, c’est aussi une prise de risques, que nous voyons se déployer massivement dés lors que tout le monde peut prendre la parole, notamment par les réseaux sociaux.

La constatation de cet état de fait mène au diagnostique d’une démocratie malade, incapable de guider les peuples. Et ce constat, devenu sentiment, est général, il s’exprime partout dans les démocraties occidentales principalement. 
Ce constat fait le lit des autoritarismes puisque au yeux de certains, et les faits apparents leur donne raisons, ils devient dangereux et inutile de laisser le peuple s’exprimer. Plus grave il est possible d’entretenir sa désespérance, pour affirmer la nécessité d’une reprise en main autoritaire qui devient alors , politique à conduire pour sauver la démocratie et la nation.

Il nous faut donc nous intéresser aux ressorts de cette désespérance, aux fondements qui lui permettent de s’étendre. Ensuite il faut proposer des moyens de lutter contre pour imposer une autre vision, et une autre pratique de la démocratie. 

Je me propose d’étudier ce nouveau chantier avec vous dans : Démocratiquement vôtre 3/3 : La grande maladie de la démocratie ou le miracle démocratique.

Paul de L’isle. 

Quelques sites de référence : 
– Les modalités des élections : https://mobile.interieur.gouv.fr/Archives/Archives-elections/Les-elections-en-France/Les-modalites-d-elections
– La constitution :https://www.conseil-constitutionnel.fr/
– Sur les médias : https://rm.coe.int/1680783496, https://www.youtube.com/watch?v=VyOy4keRypE

(*) Ci-joint un lien documentaire .

NDLR: Nous vous conseillons de suivre le site Cairn Info : https://shs.cairn.info/


Voir la partie 1 : Démocratiquement vôtre, (1/3) Politique, constitution, Peuple, autocratie, ou va t’on ? 
Et la partie 3 (En cours de rédaction)  : Démocratiquement-votre (3/3) la-grande-maladie-de-la-democratie-ou-le-miracle-democratique


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Cette publication a un commentaire

  1. Carlo Michele valdenassi

    quindi la democrazia sempre è comunque anche se tante volte non è delle migliori.
    in Italia lo stiamo provando ora.
    in questo momento molto delicato della storia mondiale sarebbe stato meglio avere un governo più autorevole a livello europeo.
    ciao e complimenti

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