“Édition spéciale im/émigration”
Je ne vais pas jouer au prof de sciences po, j’en serai bien incapable, mais je vais dire ce que je vois comme éléments de contexte, je ferai le plus court possible, et avec humour, mais en prenant un biais peu commun et je dirai ce que je voudrais voir dans une politique humaniste ou humaine que je choisirai personnellement.
Enfin, bien sur ce texte est socialement et historiquement situé, des invectives sur ces différentes situations ne résoudront pas la question, qui est et qui restera :
Voulons nous, oui ou non, vivre ensemble dans le monde qui se dessine de façon inéluctable ?
Table of Contents / Table des matières
ToggleLe contexte :
Le mal est déjà fait… Trop tard ! Et si c’était plutôt un combat d’arrière garde ?
Lorsque j’ai fait mes études de droit et sciences Eco, Lionel Stoléru, secrétaire d’état du gouvernement de Raymond Barre, chargé de la condition des travailleurs manuels et immigrés est intervenu fréquemment sur l’immigration en France. A cette époque, le gouvernement durcissait sa politique migratoire. Il montrait les vagues successives d’émigration qui avaient constitué le bon peuple de France, sur les 100 dernières années. En bon polytechnicien, il projetait ces statistiques dans le temps, sur 50 ans, et en quelque sorte disait à l’extrême droite d’alors ,” vous parlez de Français de souche , mais si c’est votre ambition , il est déjà trop tard ».
… parce que la mixité raciale, culturelle et sociale est déjà réalisée et elle est inexorable. Je découvrais cette question et j’avoue avoir été sidéré de cette réalité simple.
Pour actualiser cette idée de fond , voir l’article de Chris Beauchemin , la croix 21 février 2018 , dans lequel il explique que :
« En somme, avec la première, la deuxième et la troisième génération, on peut estimer que deux personnes sur cinq sont issues de l’immigration.»
En admettant que ce soit la question , nous avons eu une chance d’arriver à contenir le Covid grâce à des gestes barrières et au confinement , mais dans le cas de la mixité sociale, nous n’avons aucune chance avec l’hérédité, les rapports sociaux, les rapports amoureux, sauf dictature peut-être.
Aujourd’hui par l’application d’une règle statistique, sur 10 , 3 ou 4 de nos petits enfants épouseront un français d’origine étrangère. Tout noir, comme dirait Muriel Robin dans son célèbre sketch « Le noir » , mixité qui est illustrée avec beaucoup de joie dans le film “qu’est ce qu’ on a fait au bon dieu ?” de philippe de Chauveron. en 2014.
( Pas de racisme ou de mépris dans mes propos, de l’humour , de la provocation et de la tendresse devant cette angoisse surtout)
L’immensité de la vague… glou,glou,glou , “jusque là tout va bien”, disait le mec en tombant de l’empire state building avant de s’écraser sur le bitume.
Il y a deux siècles nous étions 1 milliards sur terre. Quand en 1905 la migration européenne vers les US battait son plein, plus de 40 millions d’européens avaient émigrés en un siècle et demi vers les Etat Unis. Déjà cette vague était colossale. Aujourd’hui nous atteignons 8 Milliards d’individus et donc, proportionnellement, ce ne serait plus 40 millions mais des centaines de millions de personnes susceptibles d’émigrer .
Or il n’y a aucune raison qui empêcherait des populations des pays plus pauvres que l’Europe ou l’Amérique du nord, en Afrique, au moyen orient, en Asie, en Amérique centrale et du sud, en Asie de vouloir émigrer . C’est le cas en Amérique du sud avec le Mexique, en Europe avec les pays d’Afrique et du Moyen-Orient.
L’accroissement de la population dans les pays du Sud, par rapport au debut du 19eme siecle, s’est fait sur un facteur de 8 ou 10, même si aujourd’hui cet accroissement diminue globalement. Alors que l’Europe n’a eu qu’un facteur d’accroissement démographique de 2 et qu’elle entre en décroissance de population.
Angela Merkel l’avait bien compris lorsqu’elle affirmait que l’Allemagne pouvait accueillir plusieurs millions de migrants. Nous parlerons de migration climatique, de la faim ou de la guerre, selon l’appellation que vous préférez. Nous avons besoin de ses populations
Voilà les enjeux, ne nous étonnons pas du drame de la Méditerranée, des appels au secours de l’Italie, de la Grèce, de la Turquie et de la réaction de leurs gouvernements désespérés et populistes par définition puisque élus dans un contexte de “peur” qu’ils attisent à merveille.
Refuser de prendre en considération ces faits , c’est comme continuer à nier le réchauffement climatique ou argumenter sur l’impossibilité d’une pandémie dans nos pays sur-développés médicalement , n’est il pas ?
Pour compléter cette réflexion il faut lire cet excellent article d’Etudes de Juillet-Aout 2024, de Patrice Sartre intitulé, «L’utilité de la force». Petit extrait : «Si des moyens de sécurité permettent de réguler certains aspects de la pression migratoire, il serait illusoire de prétendre la contenir par la force, ni intérieure ni extérieure. Cette pression ne sera réduite que par la diminution du différentiel de richesse, par une gestion des flux raisonnée et par la préparation de nos sociétés à vivre comme multiculturelles.»
La réalités des chiffres
Sur ces sujets de l’immigration, lire le livre de Francois Hèran « Le grand déni » , professeur au collège de France qui fait une analyse très approfondie des phénomènes migratoires.
Dans un article du monde du 8 novembre 2022, « Le débat public sur l’immigration en France est en décalage complet par rapport aux réalités de base« F. Héran y précise quelques chiffres que je me suis permis de reprendre :
- 62 % : Augmentation de la part des immigrés dans la population mondiale de 2000 à 2020 selon l’ONU.
- 60 % : Augmentation de cette part sur le continent européen dans la même période.
- 181 % : Augmentation de la population immigrée en Europe du Sud depuis l’an 2000.
- 121 % : Augmentation dans les pays nordiques.
- 100 % : Augmentation au Royaume-Uni et en Irlande.
- 75 % : Augmentation en Allemagne et en Autriche.
- 58 % : Augmentation dans le reste de l’Europe de l’Ouest (hors la France).
- 12 % : Augmentation en Europe centrale ex-communiste.
Pour la France : (15% de la population européenne et 17% du PIB)
- 36 % : Augmentation du nombre d’immigrés en France sur vingt ans (avec ou sans l’outre-mer).
- 10,3 % : Part des immigrés dans la population française selon l’Insee.
- 37 % : Augmentation du nombre de titres de séjour délivrés en France de 2005 à 2021.
- 54 % : Part de cette augmentation expliquée par la migration estudiantine.
- 27 % : Part expliquée par la migration de travail.
- 24 % : Part expliquée par la migration de refuge.
- -10 % : Diminution de la migration familiale depuis 2005.
- 4 % : Part du regroupement familial dans l’ensemble des titres de séjour.
- 11 000 : Nombre annuel de titres délivrés pour « liens personnels et familiaux ».
- 40 % : Part des personnes régularisées via ces titres vivent en France depuis dix ans, selon l’enquête Elipa 2.
Rappel La France c’est 15 % de la population de l’Union et 17 % de son PIB : élément de contexte pour évaluer les chiffres d’accueil des réfugiés.
NB: Chiffres en considérant que tous les déboutés restent, donc une hypothèse haute.
- 36 900 Syriens : Nombre de Syriens accueillis en France entre 2014 et 2020, soit 3% des demandes ou relocalisations enregistrées en Europe.
- 14 100 Irakiens : Nombre d’Irakiens accueillis en France sur la même période, représentant 4% des demandes ou relocalisations en Europe.
- 49 300 Afghans : Nombre d’Afghans accueillis en France entre 2014 et 2020, soit 8% des demandes ou relocalisations enregistrées en Europe.
- 53 %, 48 %, et 36 % : Proportions des demandes ou relocalisations de Syriens, Irakiens, et Afghans enregistrées en Allemagne, illustrant une comparaison avec la France , 3%, 4%,et 8%.(voir ci-dessus)
- Plus de 100 000 Ukrainiens : Nombre d’Ukrainiens ayant bénéficié de la « protection temporaire » en France en 2022, 4% des exilés protégés dans les pays européens non limitrophes de l’Ukraine.
- 18 % : Part de la France dans l’enregistrement des demandes d’asile par les ressortissants d’autres pays en Europe, au-delà de sa proportion dans la population ou la richesse de l’UE.
- 75 % environ : Taux de rejet des demandes d’asile déposées par les ressortissants de certains pays en France.
- 15 % : Taux moyen d’exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF) dans les dix dernières années, hors période Covid-19. (malgré 21 lois depuis 1991)
La vrai question :
Comment prendre cette réalité et en faire quelque chose de grand, de beau, d’humain si nous le voulons , le veux t-on ?
Le Nouveau paradigme en 3 axiomes.
D’abord, l’axiome Merkel, “nous avons besoin de renforcer nos peuples.”
Dans l’Ephad où travaille mon épouse , dans l’usine de mon ami Marc, nous n’avons pas assez de bras et d’intelligence du Bac -10 au Bac + 10. Inutile de tomber dans le discours absurde «. Ah mais les jeunes aujourd’hui, ils ne veulent plus rien faire…» non ! ils ne sont pas assez nombreux par niveau de compétence de toute façon. Si nous voulons mourir à 100 ans soignés, il faudra des bras pour nous porter du lit à la chaise roulante, que nous avons déjà en émoticônes notez bien.
Ensuite, l’axiome Jacquard , “nous avons besoin d’augmenter la diversité génétique.”
Albert Jacquard, prix Nobel, a écrit un livre qui s’intitule “Éloge de la différence ” , explique l’importance de la diversité génétique pour la survie d’une espèce. Plus il y a de combinaisons génétiques possibles, plus nos chances de survie augmentent. Et oui, peut-être qu’un de mes petits-enfants, métissé, aura plus de chances de résister aux changements climatiques ou aux mutations génétiques à venir.
NDLR: L’auteur ne choisit pas les bons exemples , il veut juste un peu provoquer avec une illustration choc.
Enfin, l’axiome Michel ou axiome Rocard, “nous ne pouvons accueillir toute la misère du monde.”
Pour le plaisir regardez cette ce débat entre Jean Marie Le Pen et Lionel Stoléru « Immigration un danger pour la France » du 5 décembre 1989.
Sauf à détruire notre système sociale, de santé, économique , il n’est pas possible, au delà de la jungle de Calais , d’accueillir des centaines de milliers, et non quelques milliers, de réfugiés immédiatement dans des conditions socialement et économiquement supportables. Nous nous devons en être humain de refuser “Calais” c’est-à -dire soulager cette misère immédiate, mais aussi stopper l’hémorragie, et donc négocier, négocier, négocier, avec l’Europe, la Grande Bretagne, les pays d’origine…
Nous savons bien que c’est un moment délicat, nous devons d’une part ne pas laisser trop d’illusions, pour éviter d’autres arrivées massives, mais d’autre part, rester dans le cadre des droits de l’homme parce que nous ne pouvons transiger sur ce point. Alors on subventionne le secours catholique, l’auberge des migrants, ou Salam et on envoie les gendarmes pour évacuer Sangate.
Le problème c’est que nous ne mettons pas suffisamment de moyens pour vraiment sortir les réfugiés de cette impasse économique et sanitaire et les intégrer vraiment. Nous ne prenons pas en compte dans notre réflexion les axiomes un et deux, l’axiome Merkel et l’axiome Jacquard pour mettre en oeuvre l’axiome Rocard.
Alors fils du ciel , que proposes-tu ?(NDLR : il s’adresse à Jésus oui à lui ?)
La résolument je m’adresse à Dieu, il n’y a que lui qui peut résoudre cette conjecture qui n’a pas de solutions triviales. Néanmoins je tenterai quelques approches pour aider le seigneur.(Rire du public)
“Le bon sens paysan.”
Comme on ne pourra pas l’arrêter, voir plus haut, on va l’utiliser.
Formation, logement, travail. La vieille recette, mais qu’avec un peu de chance et vu l’expérience antérieure on pourra peut être ne pas transformer de nouveau en demi-désastre, social, urbain, et politique. Mais au fond nous l’avons déjà fait, on peut s’améliorer en en comprenant mieux la nécessité et les rouages… Ah oui je parle de l’intégration..
Enfin, prenons du recul statistique et historique , par exemple même si l’Allemagne accueille en 10 ans 10 millions de réfugiés, cela ne représente que 12% de sa population de 83 millions d’habitants (2018).
Pour une bonne vision de cette aspect historique et statistique, je vous conseille pour la France la visite au Palais de la Porte Dorée du musée de l’histoire de l’immigration , métro Porte Dorée, avenue Daumesnil à Paris.
“La chance de l’avenir.”
Nous avons devant nous des chantiers colossaux , qui vont demander d’immenses ressources humaines car nous devons assurer :
- la conversion énergétique,
- La gestion du réchauffement climatique
- la mise en place d’un nouveau modèle agricole,
- le changement de paradigme productif , produire moins , mieux, plus utile.
- La prise en charge de l’allongement de la durée de vie.
- …
La plupart de ces chantiers sont mondiaux , mais justement, ils vont probablement permettre de retenir, en partie chez elles, les populations locales et de gérer plus facilement le débordement migratoire inévitable. Une politique d’intégration ici , ne va pas sans une politique de développement là-bas, en évitant nos éternels élans colonialistes, mais en jouant notre rôle afin de ne pas laisser cette place à la seule Chine ou à la Russie. Nous devons avoir une franche discussion avec les pays dits du Sud.
“L’adaptation disruptive du fonctionnement social” ,
Pour permettre socialement ce grand chambardement un nouveau monde “multi tout”, social, culturel, économique , se fait par et dans le changement des modes de communication, par et dans les réseaux sociaux.
Cela aura pour conséquence le changement du fonctionnement démocratique, qui va rebattre la donne politique et sociale. Nous voyons bien la fragilité du politique, de son personnel et de ses électeurs. Tous ce monde est bousculé, retourné, il a besoin de trouver de nouvelles voies ou voix d’ailleurs.
Il faut vivre dans ce mouvement et favoriser le développement maitrisé et intelligent de cette démocratie des sentiments, des idées, des opinions. Faire valoir que les opinions sont des opinions, que la réalité mesurée existe… que le débat est naturel même lorsqu’il est difficile , conflictueL
NDLR : l’auteur devrait développer un peu , peut-être une autre édition?
L’incroyable utopie ou l’impensable dystopie ?
La dystopie
Finalement nous n’aurons pas le choix, soit nous construisons notre utopie , soit nous sombrons dans une dystopie destructrice.
Les nouvelles contraintes telles que le changement climatique, le monde fini des matières premières et des énergies fossiles, le drame de l’effondrement de la biodiversité , la crise de l’eau, vont amener des chocs que nous n’avons jamais connus.
La situation géopolitique, la multiplications des régimes autocratique, autoritaires, illibéraux, ne peut qu’apporter des déséquilibres graves, conduisant à des conflits violents, des affrontements militaires, des migrations de population massives. Ce sont des risques difficiles à mesurer.
Face à cette situation nous aurons donc le choix d’un monde dystopique et brutal ou de construire un avenir commun, en négociant , comme pour les COPS, en devenant plus sobre dans nos modes de consommation. Il faudrait développer ce point mais ce n’est pas le sujet ici.
Voilà , j’ai pris ce lourd problème sur un ton léger mais sérieusement sur les arguments et le fond, ce ton ne peut cacher les drames réels , les angoisses sinon justifiées, du moins compréhensibles, des populations installées, notamment exprimées dans la théorie du “grand remplacement” .
Je n’ai pas de solution magique, vous l’avez bien compris, suis-je légitime moi-même pour parler de cette question.
Humainement , finalement je n’en ai qu’une compréhension incertaine, superficielle. Vous pouvez avoir vous une vraie expérience de vie, confrontée à ces diverses réalités. Plus encore peut-être certains de nos enfants.
Vous avez peur, vous sentez serein dans ce choc des cultures ? Vous croyez possible cette utopie ?
L’utopie
Une dernière réflexion, puisque nous avons habité une ville de la grande périphérie , type ville nouvelle, nos enfants sont allés dans les écoles primaires, les collèges, le lycée local ou règne une certaine mixité sociale. J’ai de petites anecdotes étonnantes, de la fratrie en lutte de pouvoir contre d’autres fratries dont peu importe l’origine, mais de culture familiale différente. Mes enfants , sauf un, sont tous passés par le lycée de cette ville . Ils ont appris à vivre dans un milieu brassé , hors du cocon protecteur de familles “privilégiées”…
La différence que je peux constater, vient du déterminisme social, mes enfants , ont tous fait des études supérieures, niveau Bac+3 à 5.
Ils en sont ressortis assez fort et je crois sincèrement assez prêt à comprendre cette mixité et la façon de vivre ensemble et pas seulement à côté. Par exemple , ils connaissent les codes , le langage, les modes de vie de ces différentes communautés, ils y ont de vrais amis et un accès naturel sans peur aux autres, mais avec réalisme aussi. Ils y ont découvert d’autres valeurs et d’autres cultures et ces échanges ont été réciproques.
J’aime bien le film “La crise” de Coline Serreau 1992 , sous l’angle justement de ce réalisme social, je crois pouvoir résumé un des messages ainsi : « il faut faire connaissance, nous craignons toujours plus celui qu’on ne connaît pas ». Le film est assez drôle, V.Lindon et P.Timsit, Z.Breitman sont bons. il y a beaucoup d’autres sujets de société dans ce film.
Des migrants de Calais-Sangatte au communautarisme exposé dans le film “Misérables”, il y a un côté insupportable tant sur le plan du ressenti personnel, sur les risques communautaristes, sur la “dégradation de l’état de droit“ , que sur les aspects du respect humain ou humanitaire.
Voilà pourquoi j’ai voulu approfondir cette question en prenant un peu de recul et en essayant d’identifier les causes, les mouvements de fonds , la réalité vécue, les solutions possibles…
Bien sur ce texte est socialement et historiquement situé, des invectives sur ces différentes situations ne résoudront pas la question, qui est et qui restera : Voulons nous, oui ou non, vivre ensemble dans le monde qui se dessine de façon inéluctable ?
Paul de l’Isle.
En savoir plus sur Some-ideas ou Quelques idées
Subscribe to get the latest posts sent to your email.