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Introduction.
Bien que cette réflexion soit issue d’une prise de recul en analysant les comportements récents de quelques leaders politiques et de leurs programmes, de leur façon de dire et de faire au travers de leurs actions politiques, nous partirons, pour en saisir la matrice profonde, d’un premier constat autour des logiques dites du chaos et du déterminisme sans prédictibilités.
Depuis le développement des sciences au courant du 18éme et du 19éme siècle, la science a souvent été perçue comme un vecteur d’ordre, de prévisibilité, et de maîtrise rationnelle du réel.
Le modèle déterministe issu de la physique classique, notamment formulé par Laplace, semblait promettre un univers entièrement intelligible, gouverné par des lois fixes. Les causes entraînaient invariablement les mêmes effets. Es-ce par effet d’échelles ou par nécessité, en tout cas les avancées scientifiques des XIXe et XXe siècles — du mouvement brownien à la théorie du chaos, en passant par les attracteurs étranges des mouvements pendulaires , ou les arabesques des fractales — ont mis à mal cette conception linéaire de la causalité. ( vous trouverez facilement des explications simples de tous ces concepts mathématiques.)
Le réel, vu par la physique contemporaine, semble régi par une forme de déterminisme non prédictible, que l’on peut qualifier, à première vue paradoxalement, selon les termes que je choisis pour illustrer cette question, de “déterminisme aléatoire”.
Il peut être tentant ou intéressant de se poser la question d’une possibilité de trouver les mêmes logiques en sciences sociales, en sociologie et particulièrement en politique. Dès la fin du 19éme siècle Emile Durkheim et quelques autres avançaient sur cette conception qui permet de passer des sciences mathématiques, biologiques, physiques et chimiques aux sciences sociales, aux sociétés , aux hommes vivants en société et à leur organisation et actions individuelles ou collectives.
Et si ce déterminisme aléatoire, appliqué aux phénomènes sociologiques, donnait une compréhension de notre société humaine aujourd’hui ?
Pour mettre en perspective cette réflexion et sacrifier un peu à l’air du temps, nous allons prendre comme terrain d’illustration la sociologie et principalement la politique et l’action politique considérée comme un programme d’actions et d’idées devant conduire au pouvoir, ou à sa conservation. Nous faisons momentanément ici abstraction des idéologies, pour rechercher les moyens, les formes et les outils.
Nous savons bien que outils et moyens trahissent aussi une idéologie, mais la réalité des faits oblige à les considérer pour eux-mêmes pour en comprendre les rouages et la nécessité dans leur propre paradigme.
Comment penser philosophiquement un monde physique, mais aussi humain où les phénomènes physiques ou sociaux obéissent à des lois déterministes tout en se manifestant sous forme d’imprévisibilité apparente ? Et quelles implications cette conception a-t-elle pour notre compréhension de l’action humaine et notamment politique ?
Nous partons donc d’un postulat d’une similitude des formes et des comportements des phénomènes physiques et sociaux et nous allons tenter de comprendre cette analogie troublante, et d’en mesurer la pertinence.
Cette idée d’un déterminisme aléatoire n’est pas une contradiction mais une clé de lecture féconde, qui permet de dépasser les oppositions binaires entre loi et hasard, nature et culture , ordre et désordre. Nous tenterons de montrer comment ces lois semblent s’appliquer aussi aux phénomènes sociaux.
Nous partirons de la remise en question du déterminisme classique par la science contemporaine. Nous explorerons ensuite la logique propre des systèmes chaotiques. Enfin, nous dégagerons les implications philosophiques et sociologiques d’une telle conception du réel pour la pensée de la liberté et de l’action humaine et notamment de la politique.
La remise en question du déterminisme classique : de Laplace au mouvement brownien.
(Si vous êtes familier de ces concepts passez au chapitre suivant, « Le chaos et le déterminisme-aléatoire vecteur de pouvoir en politique ».)
Le déterminisme classique repose sur l’idée que l’univers est un système causal clos, dont le devenir est rigoureusement déterminé par ses états antérieurs. Dans cette perspective, formulée par Pierre-Simon de Laplace, un esprit doté d’une intelligence infinie et d’une connaissance parfaite des lois de la nature pourrait prédire l’avenir avec une précision absolue (Essai philosophique sur les probabilités, 1814).
Cependant, le mouvement brownien, observé par Robert Brown (1827) et modélisé par Einstein (1905), vient perturber ce cadre. Ce phénomène désigne l’agitation aléatoire de particules en suspension, dont Einstein montre qu’elle peut être expliquée par les chocs incessants avec les molécules du liquide. Ainsi, un comportement apparemment aléatoire peut découler de causes déterminées mais inaccessibles, suggérant que le hasard est peut-être l’effet d’une complexité causale échappant à notre perception.
Cette évolution prépare le passage d’un déterminisme mécanique à une complexité déterminée, où l’imprévisibilité ne contredit pas la loi, mais en est le prolongement.
Dans le domaine de la sociologie , il est plus délicat de comprendre cet aspect Brownien des discussions, des affrontements… Lorsque l’on constate l’aspect désordonné des actions/réactions des acteurs sociaux, qui polarisent les débats, émettent des contre vérités ou Fake-News, recherchent des points de convergence idéologique, on peut imaginer que nous sommes bien dans un mouvement brownien.
Pourtant progressivement une température semble se stabiliser autour d’un pseudo consensus ou un refus , auquel chacun, gouvernants , acteurs politiques, influenceurs va se positionner. Finalement de bruits en clameurs, il ressort un #MeToo ou le rejet d’une loi comme celle sur les retraites, même si dans ce cas le gouvernement décide à tort ou raison de passer outre.
La vie politique est un mouvement Brownien, il est difficile d’établir les causes et effets, les groupes de pression, les opportunités du moment pour dénoncer, récupérer des événements vont déterminer les orientations effectivement prises. Nous devons prendre acte de cette indétermination permanente, malgré les hypothèses et les règles qui nous paraissent solides ou bien fondées. C’est de cette situation Brownienne que naissent toutes les autres considérations sur le déterminisme aléatoire.
La théorie du chaos : un ordre déterministe sans prédictibilité
La théorie du chaos déterministe, développée dans la seconde moitié du XXe siècle, accentue cette remise en cause. Des systèmes dynamiques régis par des équations simples peuvent produire des comportements extraordinairement complexes et instables. Ainsi, l’effet papillon, formulé par Edward Lorenz dans les années 1960, montre qu’une variation infime des conditions initiales peut engendrer des écarts immenses à long terme (Deterministic Nonperiodic Flow, 1963).
Il ne faut pas chercher bien loin des exemples contemporains, dans les réseaux sociaux, par exemple, ou le point de vue amplifié d’un seul follower peut entraîner des milliers de réactions en chaîne qui vont produire un effet réel, #MeeToo par exemple. Pour autant, qui aurait pu prévoir cet effet ? Certes les analystes diront que la société était prête. Je dirai en paraphrasant quelques auteurs “lorsque la révolution se fait c’est qu’elle est déjà faite” …
Le chaos n’est donc pas une absence d’ordre, mais un ordre sensible, non linéaire, bifurquant, où la prédictibilité est pratiquement impossible. Ilya Prigogine, prix Nobel de chimie, affirme que « la nature n’est pas stable, elle est créatrice » (Prigogine & Stengers, La Nouvelle Alliance, 1979). Il montre que les systèmes physiques loin de l’équilibre peuvent évoluer vers de nouveaux états d’organisation à partir de fluctuations aléatoires : le hasard devient moteur de nouveauté, et non simple perturbation.
Quant aux attracteurs étranges, comme ceux de Lorenz ou de Rössler, ils illustrent l’idée d’un ordre sous-jacent émergeant d’un comportement chaotique. La trajectoire d’un système chaotique, tel qu’un pendule double, soit imprévisible à long terme, elle demeure confinée dans une région de l’espace des phases, mouvements, appelé attracteur. Ce type de système est caractérisé par une forte sensibilité aux conditions initiales : des différences infinitésimales dans l’état de départ peuvent conduire à des évolutions radicalement différentes.
https://www.korsakoff-syndrom.eu/2016/11/attracteurs-etranges/
Regardez bien cette image du comportement d’un pendule double.… deux phases, deux opposés, une symétrie dans le hasard. A chaque variation , même infimes, des conditions de départ, le tracé est à la fois semblable et totalement différent.
Les attracteurs étranges tendent donc à montrer que du chaos naît un ordre relatif autour de zones identifiables. Comme en politique finalement ces aller-retour désordonnés finissent par identifier une ou deux zones de congruence, c’est-à-dire où se situent un maximum d’idées, d’individus. Et si vous êtes en mesure de prévoir ou de modifier des conditions initiales pour atteindre ces zones identifiables alors vous pouvez influencer même le désordre social et politique apparent que vous avez vous même créé. C’est ce que font de façon assez empirique les ingénieurs du chaos.
Pourquoi ça peut marcher ?
Une figure de la complexité : les fractales comme métaphores du réel déterminé et imprévisible
Un autre objet mathématique illustre de manière saisissante la coexistence du déterminisme et de l’imprévisibilité : les fractales. Popularisées par Benoît Mandelbrot dans The Fractal Geometry of Nature (1982), les fractales désignent des formes géométriques qui présentent une auto-similarité à toutes les échelles. Autrement dit, elles révèlent une structure rigoureuse, déterminée, mais infiniment complexe : chaque zoom dans la figure dévoile une nouvelle organisation, semblable mais jamais identique à la précédente.
Ce n’est pas une découverte inattendue de la pensée moderne, cette réalité fractale est déjà connue, elle semble maîtrisée par des artistes du 15ème siècle et certainement avant. Par exemple à Grenade le plafond en stuc de la salle des deux soeurs fait de motifs répétés et toujours différents s’emboîtent dans une logique créative et récursive. l’art de cette spécialité décorative est appelée “muqarnas” ou mocarabes en espagnol. “ Cette technique permet de couvrir n’importe quel type de surface et volume inversé. Ces éléments garnissent les voûtes ou l’intérieur des coupoles de nombreux bâtiments musulmans.”
Les fractales montrent que l’ordre peut être tissé de répétitions irrégulières, que le désordre apparent d’un contour rugueux peut répondre à une loi formelle. Elles incarnent une tension féconde entre rigueur et surprise, stabilité et innovation. Dans cette perspective, l’univers n’est pas une machine parfaitement lisse et linéaire, mais un tissu de motifs instables, un ordre sauvage (E.Morin, 1977).
La répétition avec une variabilité recherchée des actes, situations, permet de construire des cheminements qui se dupliquent, à l’infini, dans un espace clos, de cette façon en saturant l’espace du même motif variant, on peut imprégner cet espace et le faire converger vers une attitude, une vision admise, une compréhension particulière des réalités, qui n’a plus aucun rapport avec la vérité. C’est la façon dont se construisent ces vérités alternatives, qui paraissent si évidentes à ceux où l’empreinte fractale a déjà fait son œuvre.
Nous tenons une partie de notre explication ainsi formulée : La causalité linéaire – où une cause produit un effet de manière proportionnée – cède ici la place à une logique récursive, où le moindre détail peut faire écho à l’ensemble, et où les structures globales émergent de micro-répétitions. Elles offrent une image du monde comme totalité relationnelle, où l’infiniment petit n’est jamais détaché de l’infiniment grand, et où le devenir se joue dans les interstices.
Voilà la raison de créer du chaos, c’est qu’en fait le chaos n’est jamais le chaos qu’il paraît être , il se déploie dans un espace que j’illustre ici comme fractalisé, donc ayant des microstructures répétitives et aléatoires.
En cela, les fractales rejoignent la pensée deleuzienne du pli (Deleuze, Le Pli, 1988) : une réalité multidimensionnelle, faite de courbures, de replis, de micro-différences. Comme le chaosmos repris par Deleuze, la fractale est une figure de l’immanence et de la continuité, où le changement ne rompt pas l’ordre, mais en révèle les virtualités latentes. Cette conception peut ainsi renouveler notre compréhension du temps, ou de l’espace, non comme simple déroulement linéaire, ou vision à plat, mais comme stratification dynamique, comme mémoire de formes à la fois dans le temps et l’espace.
Il n’y a pas meilleure compréhension et définition de la logique du chaos en sociologie et en politique.
La vision de ce chaosmos, explique et projette la réalité multiple des individus et des complexes sociologiques. Complexe, étant entendu ici comme un ensemble de ces microstructures répétitives et toujours différentes, qui génèrent une réalité globale bien tangible , c’est dans ce monde là que se propagent les idées, les rumeurs, les fake news. il faut le comprendre pour pouvoir l’utiliser ou le combattre selon votre dessein stratégique. Un mensonge peut se parer des habits de la cohérence en copiant les structures du vrai.
Edgar Morin, dans La Méthode (tome 1, 1977), développe la notion de pensée complexe. Il insiste sur l’imbrication du hasard et de la nécessité, du désordre et de l’organisation. Loin de chercher à maîtriser le réel par réduction, la pensée complexe s’efforce de penser l’incertitude elle-même.
Parler de déterminisme aléatoire, c’est reconnaître que l’ordre et le désordre ne s’opposent plus, mais s’articulent. C’est penser un monde où la causalité n’est pas un enchaînement rigide, mais un tissu de relations sensibles, instables, ouvertes. C’est enfin affirmer que la liberté humaine, loin d’être compromise par les lois naturelles, trouve dans l’incertitude un espace de responsabilité, d’invention et de sens.
Le chaos et le déterminisme-aléatoire vecteur de pouvoir en politique.
Revenons aux réalités de l’espace sociologique et politique pour comprendre la façon dont certains démiurges l’utilisent aujourd’hui.
Le déterminisme dans le chaos.
Giuliano da Empoli dans « l’heure des prédateurs » écrit en parlant de Machiavel : « Ce qui intéresse le Florentin, c’est de comprendre comment le pouvoir s’affirme au milieu du chaos, quand tout le monde se bat contre tout le monde et que la force redevient la seule règle du jeu. »
Et plus loin « “Le Prince” est le manuel de l’usurpateur, de l’aventurier qui part à la conquête de l’Etat. Les leçons que les Borgia de tous les temps peuvent en tirer sont fort nombreuses, mais l’une d’entre elles se démarque de toutes les autres : la première loi du comportement stratégique est l’action. En situation d’incertitude, lorsque la légitimité du pouvoir est précaire et peut être remise en cause à tout moment, celui qui n’agit pas peut être sûr que les changements auront lieu à son désavantage. »
Mais cette réalité stratégique ne suffit pas, il faut encore que vous guidiez votre chaos, dont je rappelle que cela indique simplement que ce monde est sensible aux conditions initiales, vers vos attracteurs étranges et en utilisant des duplications fractales dans la pensée de chacun , ou du moins de votre cible qui faciliteront cette convergence.
Ces mécanismes qui instillent le trouble dans la pensée font qu’un homme devient masculiniste après avoir soutenu le féminisme pendant des années, ou se surprend à dénoncer des juifs, des noirs, des blancs , alors même qu’il a toujours vécu avec eux en paix. Peut-être qu’au fond “la banalité du mal” que j’emprunte ici à Hannah Arendt est portée par l’atteinte systématique de ces microstructures de la pensée, pour détruire toute autre perception du monde et toute autre structure d’identité.
L’ingénierie du Chaos,
Ce travail est celui de l’ingénierie du chaos. L’ingénierie du chaos va donc consister dans cette phase à :
- Alimenter les microstructures de votre espace fractal avec des idées choisies, des informations vraies ou fausses peu importe, pour provoquer la mise en route de votre pendule, et son déploiement sur vos phases ou vos symétries parfaitement opposables.
- Provoquer un maximum de distorsions , disruptions, dans les structures mentales, les archétypes, en inondant l’espace médiatique, social, de chocs, de positions extrêmes, débordant ce que certains appellent la fenêtre d’Overton, de l’acceptabilité des idées. Il est donc souhaitable , voire nécessaire, d’alimenter les deux espaces, phases, des attracteurs , celui de gauche, comme celui de droite dirais-je en métaphorisant notre espace politique.( voir l’image sur les attracteurs)
- Faire apparaître des événements par pure création ou utiliser par opportunisme des événements, qui mettent en avant le Prince dirait Machiavel, ou au moins une forme de consensus autour d’un groupe s’identifiant comme réponse au chaos.
Cette ingénierie du chaos est aujourd’hui décuplée par l’usage des réseaux sociaux et de la transformation numérique du monde , fournissant des outils permettant de mobiliser autant de temps de cerveau possible. Et dont les savoir-faire, les techniques ne visent précisément qu’à accroître la prédation des cerveaux de toute la population pour en faire de dociles esclaves alimentant et nourrissant cette forme néolibérale d’un capitalisme de la connaissance après le capitalisme des machines et des services. ( voir mon article de la manipulation qui met à jour toutes ces techniques et leur pouvoir incommensurable.)
Pourquoi le chaos donnerait plus de chance de réussir une politique disruptive ?
Le chaos donne plus de chance de réussir une politique disruptive. Précisément parce qu’il a la vertu de rendre relatives toutes les vérités, points de repères considérés comme acquis par le main-stream de la pensée et de l’idéologie politique, structuré à un moment autour de principes, de valeurs, d’identités et in fine dans l’environnement politique de partis.
Il permet de rendre actives les vérités alternatives et de discréditer facilement les règles de la logique, de la science.
S’appuyant ainsi sur une partie, de plus en plus importante, de la population atteinte par les logiques complotistes et disruptives des chaotistes, et dont le cerveau est manipulé à bon compte par les réseaux sociaux, il est ensuite aisé de contester et de porter atteinte aux structures socio politiques , voire économiques anciennes.
Comment combattre les chaotistes, les ingénieurs du chaos.
La mise en oeuvre d’une défense contre les ingénieurs du Chaos , passe par trois points forts :
- La régulation des espaces de communications numériques.
Il ne sera pas possible de lutter contre les désinformations, les logiques de création de chaos , sans établir des règles d’usage et de protection sur l’ensemble des espaces numériques. N’en déplaise aux libertariens. Il est nécessaire de mettre ou de remettre en place des système de modération et de détection des campagnes de désinformation, de calomnies, de messages inappropriés, à caractères sexuels, terroristes, politiques incitant à la violence, à la discrimination raciale.
La possibilité d’une levée de l’anonymat doit aussi être réservée aux actions de justice.
Il peut être aussi pensé à des signalements en ligne pour les contenus douteux.
- Le développement de programmes de formation du public, dans l’éducation des jeunes notamment, mais aussi plus généralement par les médias publics, les acteurs politiques, et les organisations non-gouvernementales, est la seule protection de long terme.
- L’imposition de normes sur les algorithmes des sites et sur le traitement des données collectées et exposées. Il faudrait trouver un protocole de certification, de telle façon que les algorithmes, par exemple, ne puissent plus restreindre l’accès aux contenus sur la base de profil non approuvé par l’utilisateur. Ou il doit être possible d’imposer une transparence des règles fixées dans les algorithmes. En effet, pour les données, les protocoles d’apprentissage renforcés, fixés par les sociétés numériques existent, il s’agit de règles données aux opérateurs humains pour nettoyer les datas des Modèles de Langage Génératif, ChatGPT par exemple.
Il faudrait les rendre publics et pouvoir les compléter sur injonction légale d’un juge. une solution efficace , pourrait être de permettre à des organismes indépendants ou à but non lucratifs de proposer des algorithmes de recommandations intégrables sur les plateformes. (Voir article d’Anne Alombert, dans AOC, 15 mars 2025, Alternatives aux réseaux anti-sociaux)
Il ne sera pas possible de supprimer toutes sortes de dérives, de plus il faut bien sûr se méfier des chasses aux sorcières ou aux idées non-conventionnelles. Nous avons besoin d’un espace de liberté ou toutes les opinions puissent être exprimées, mais où l’appréciation du caractère illégal doit pouvoir être faite par un juge. et ou vous ne tombez pas sous l’influence permanente des algorithmes de recommandations manipulateurs.
Notons que l’Europe avec deux textes le DMA (Digital Markets Act) et le DSA (Digital services Act) , voir les liens proposés ci-dessous, tente de limiter et d’imposer aux géants du numériques des règles et des limites de leur pouvoir. Il n’est que de constater les réactions agressives et les diverses tentatives faites par ces organisations pour se libérer ou contrer ses lois ou directives européennes pour se convaincre de leur possible efficacité.
Enfin nous ne pourrons éviter de maintenir des surveillances, et des interventions organisées , réalisées ou supervisées, par des organisations de police et de justice nationales et internationales, par exemple Interpol. Il est important que la justice, sur commission rogatoire, puisse mobiliser des moyens de détection et de protection.
Il revient également à chaque État de protéger ses intérêts de toutes sortes, politiques , économiques et donc de se munir de moyens d’investigation et de contre-espionnage, qui peuvent permettre d’empêcher des attaques, de retrouver les sources de ces attaques et de les neutraliser dans la mesure du possible. C’est un nouveau terrain des guerres de l’influence et des guerres digitales.
Le roi est NU ! ou l’effet TRUMP.
Comme mise en pratique du déterminisme-aléatoire en politique.
Imaginez que vous sachiez de façon évidente et limpide analyser les intentions, les méthodes, les objectifs poursuivis par Donald TRUMP dans ses différentes gesticulations, invectives, insultes…
Disons que nous appliquons les principes énoncés ci-dessus.
En premier lieu nous ne devons pas perdre de vue qu’il y a des réalités qui expliquent à la fois la vision du monde de l’équipe TRUMP et leurs folles tentatives pour sortir de deux difficultés majeures aux yeux des américains :
- L’Amérique a perdu progressivement depuis 20 ans son leadership sur le monde et la Chine est devenue son principal concurrent dans cette course à la puissance et à la domination. Or cette puissance et cette domination c’est ce qui a permis aux US de devenir et de rester le pays le plus puissant du monde et d’imposer ses lois économiques, ses options géopolitiques …
- Cette domination sans partage a autorisé les USA à vivre au-dessus de ses moyens, et à se faire financer son déficit abyssal et chronique par les autres pays du monde , qui ont massivement acheté la dette américaine.
Aux yeux de D.TRUMP et de son parti MAGA, l’Amérique est en perdition, elle a perdu sa puissance et les autres pays l’ont utilisée, trompée, et se sont enrichis sur son dos.
Devant l’ampleur du renversement à effectuer pour sortir de cette impasse économique et financière, disrupter les pratiques et les habitudes du monde simpose, il faut renverser la table. En effet, la production physique des biens est partie, l’impasse financière de la dette porte lourdement sur les finances publiques et l’impasse géopolitiques ou la domination du monde se joue en Chine est bien là.
La seule solution c’est de faire, en quelque sorte, table rase.
- Empêcher que les USA financent le monde au travers de ses multiples engagements internationaux. qui aujourd’hui aggravent le déficit américain et ne paraissent pas d’une grande utilité dans son combat contre la chine. USaid en fera en premier les frais
- Tenter d’inverser les flux financiers de la balance des paiements entre les pays étrangers et l’Amérique en imposant des droits de douanes qui sont censés obliger les investissements étrangers à se faire directement aux US , notamment pour y produire les fameux biens de consommations dont la production a fui les US et creuse quotidiennement le déficit américain.
- Etc…
Pour réaliser ce programme, l’usage des moyens traditionnels de négociation demande du temps et ne garantit pas un résultat massif et réputé satisfaisant. Dès lors, la stratégie commerciale de la table renversée qui permet de fixer dès un point de départ haut, la génération permanente du Chaos en choisissant des annonces qui provoquent la sidération, la peur et engendrent des comportements de crainte qui permettent d’aller plus vite . Au moins aux yeux de ceux qui les utilisent.
Il s’agit donc de sidérer, vieux principe Machiavellien , “130 % de droits de douanes” , “500 %”, “+ 50 % pour l’Europe”. Ce qui n’empêche pas de revenir sur ces décisions un moment , pour les réactiver plus tard.
Donald TRUMP est parfait dans son rôle. Il est possible qu’une forme d’instabilité psychologique, soit aussi un des atouts aux yeux de certains conseillers du prince.
Regardons ce qui nous est dit dans l’histoire de ces princes dits fous mais qui ne le sont pas réellement , les “Borgia” dirait Giuliano Da Empoli dans l’heure des prédateurs, princes violents qui ont bousculé , modifié leur environnement et leur temps par des actions absurdes, ou d’une violence extrême…
Il déstabilise Zelinsky en public, histoire de moins financer l’Ukraine en poussant à une paix déséquilibrée s’il le faut… Il menace de se retirer, puis traite Poutine de fou…
Sur le territoire américain même stratégie, en déstabilisant les administrations américaines, et là Elon Musk et son DOGE sert à la fois de promoteur de chaos et de véhicule de l’idéologie MAGA auprès des américains.
Je ne crois pas par exemple que l’objectif réel était le seul recul de plusieurs centaines de milliards de la dépense publique américaine, il est à craindre que le bénéfice recherché soit plus dans la prise de contrôle, en les déstabilisant, de certaines administrations américaines plus que dans de réelles économies attendues, ou au moins l’une était espérée avec l’autre. Sa réussite de ce point de vue est liée au chaos généré.
Au passage , il semblerait que cette action « Blitzkrieg » , de guerre éclaire, ait permis de récupérer une masse considérable de données sur les entreprises ou les citoyens américains, tribut de pillage dans le chaos.
La saturation de l’espace médiatique par un chaos tout azimut est aussi le moyen recherché pour permettre la cristallisation autour de transformations ad-hoc, des procédures de justice, des orientations politiques et sociales, comme la lutte contre le “Wokisme”. C’est une des théories de Steve Banon, sur la saturation de l’espace médiatique , pour neutraliser les médias main-stream, éventuellement opposés ou résistants à la volonté du prince…
Le roi est donc nu , si nous en connaissons tous les artifices, et que nous pouvons comprendre ce qu’il fait, il a perdu ses hardes.
En guise de conclusion :
En écrivant cet article je souhaitais montrer de nouveaux paradigmes des sciences sociologiques et politiques au travers du concept de déterminisme aléatoire utilisé comme outil de diffusion des idées et de la prise du pouvoir comme objectif ou conséquence et tenter d’expliquer comment et pourquoi cela peut montrer une efficacité réelle.
L’histoire nous dira si cette tentative de mise en application de cette vision théorique de l’utilité du chaos a réussi en ce début du 21éme siècle aux USA.
Paul de l’Isle,
Auteur du blog : https://www. Some-ideas.org
Liens :
- Attracteurs étranges :
https://www.korsakoff-syndrom.eu/2016/11/attracteurs-etranges/ - Muquarnas : https://lra.toulouse.archi.fr/lra/activites/colloques-manifestations-seminaires/documents/scan16/SCAN16-Publications/04-publi-Reinterpretation%20des%20Muqarnas%20Persan.pdf
- Alhambra de Grenade , la salle des deux soeurs : https://www.flickr.com/photos/jdeslandes/52054571820
- Sur la manipulation, Article de Paul de l’isle, blog Some-ideas.org : https://some-ideas.org/de-la-manipulation-ou-lere-de-la-verite-alternative-part-1-2/
- Contrôle de l’europe sur les espaces numériques et les donneurs d’accès:
- Pour le DMA :
https://www.touteleurope.eu/economie-et-social/numerique-l-union-europeenne-durcit-les-regles-de-concurrence-pour-les-gafam-et-tiktok/ - Pour le DSA :
https://www.vie-publique.fr/eclairage/285115-dsa-le-reglement-sur-les-services-numeriques-ou-digital-services-act
Paul de l’Isle.
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