Démocratiquement vôtre, (1/3) Politique, constitution, peuple, autocratie, ou va t’on ?

Aujourd’hui, la France traverse une situation politique particulière, où les principes fondamentaux de la démocratie semblent fragilisés. Certains parlent de déni démocratique, d’autres évoquent une crise constitutionnelle.

Pour éclaircir cette situation, je ne dresserai pas un panorama des différents systèmes et organisations politiques. Je prendrai plutôt une voie détournée, une ligne de crête, en privilégiant moins les constructions juridiques ou idéologiques que les volontés humaines, les cheminements historiques, les obstacles rencontrés et les questions soulevées. Cette approche indirecte devrait mieux faire ressortir les lignes de force des systèmes politiques et, surtout, la singularité de la démocratie.

La démocratie

Comment aborder la question de la démocratie sans sombrer dans un cours de droit constitutionnel, de sociologie ou de morale ?

La question est ancienne. De Platon et Aristote à Montaigne, Locke, Montesquieu et Tocqueville, de nombreux penseurs ont codifié les principes du gouvernement démocratique moderne : la séparation des pouvoirs, les fonctions de l’État, le rôle des organes de gouvernement, des parlements et de la justice.

Ces penseurs, qu’ils soient modernes ou anciens, ont tous examiné et évalué les systèmes politiques, leurs règles, leurs forces et leurs faiblesses.

Définissons donc la démocratie comme son nom l’indique : le gouvernement par le peuple. Cela exclut les gouvernements autocratiques, ceux dirigés par une personne ou un petit groupe, ainsi que les gouvernements théocratiques, où le pouvoir est exercé au nom d’une divinité.

Une grande partie de l’histoire du monde, largement documentée par les historiens, a été celle de l’accession au pouvoir d’un homme, d’un groupe, d’une classe ou d’un clan, suivie par l’histoire de l’exercice de ce pouvoir.

Si nous nous concentrons sur le gouvernement démocratique, posons-nous quelques questions essentielles :

  • Comment le peuple accède-t-il au pouvoir ?
  • Comment exerce-t-il ce pouvoir ?
  • Comment est structuré son gouvernement ?
  • Quels principes sous-jacents permettent un gouvernement du peuple sans tomber dans l’anarchie, tout en restant efficace ?

Ces questions définissent à la fois la nature du pouvoir et la manière dont il est mis en œuvre. Elles déterminent aussi le champ de notre pouvoir personnel sur la société et celui de nos libertés individuelles.

Il était une fois…

Depuis l’apparition des premières cités, il y a environ 3 500 ans avant notre ère, l’humanité a dû s’organiser collectivement. En effet, la vie urbaine rend les individus plus dépendants les uns des autres et nécessite une répartition des tâches. Rapidement, le pouvoir est accaparé par un potentat, une famille ou un clan, qui tente souvent d’étendre son influence. Ce pouvoir autocratique, monarchique ou oligarchique est fréquemment renversé par la violence, que celle-ci soit interne ou externe à la communauté.

Pour prendre des décisions, on institue parfois un conseil des anciens, des sages ou une assemblée, plus ou moins représentative ou démocratique. Plus tard, apparaissent les rois ou monarques omnipotents.

L’accentuation de la spécialisation des individus et de la division du travail devient centrale dans la vie urbaine. 

Les principaux pouvoirs délégués sont :

  • Le maintien de l’ordre (pouvoir de police),
  • La collecte des ressources nécessaires à la mise en œuvre des décisions (impôts, prélèvements matériels ou du temps de travail),
  • L’organisation de la défense de la communauté face aux menaces extérieures,
  • La justice, c’est-à-dire la résolution des conflits entre individus, et leur indemnisation.

Conséquences

La vie en communauté entraîne la nécessité de répartir les tâches et de confier la régulation sociale à une autorité plus ou moins centralisée. Chaque individu établit un pacte de confiance avec l’autorité pour assurer sa sécurité, en échange de certaines contraintes. Ainsi, le seigneur a pour devoir de protéger ses serfs, mais il peut en contrepartie exiger des taxes ou des services.

Il existe toujours des règles, écrites ou non, qui définissent comment le détenteur du pouvoir l’acquiert et l’exerce, ainsi que les limites de ce pouvoir.

L’apparition de la démocratie

Probablement dès 2 000 à 2 500 ans avant notre ère en Assyrie, puis dans certaines cités grecques comme Athènes, une forme de gouvernement différente commence à émerger. À Athènes, dès le 8ᵉ siècle avant J.-C., et surtout à partir du 6ᵉ siècle avant J.-C. sous Clisthène, les citoyens, à l’exclusion des femmes, des esclaves et des enfants, organisent la gouvernance de la cité par des assemblées appelées agoras. Ils y prennent des décisions collectives et répartissent les fonctions de gouvernement.

Ces premières formes de démocratie introduisent des institutions telles que l’ecclésia (qui vote les lois et la guerre), la boulè (qui prépare les lois) et l’héliée (qui rend la justice). Elles mettent aussi en place des principes comme la soumission volontaire de tous à la loi, l’impôt, ainsi que le débat et la controverse publique.

C’était un véritable laboratoire politique où divers systèmes étaient expérimentés : démocratie représentative, monarchie, oligarchie, tyrannie… Platon, Aristote et Démosthène en ont décrit et critiqué les mécanismes.

De ces principes à l’histoire

Ces premières expériences démocratiques sont rapidement englouties par les empires d’Alexandre le Grand ou de Rome. Plus tard, l’Europe est dominée par des monarchies et des empires, comme le Saint-Empire romain germanique.

Jusqu’au 18ᵉ siècle, le modèle dominant est celui de la monarchie. Toutefois, quelques exceptions existent, comme les cités-États autonomes, notamment la république de Venise ou la république de Gênes.

Pendant cette longue période, de nombreux concepts sont établis, tels que l’État, les nations et les pouvoirs régaliens (justice, armée, impôts). Ces principes, en vigueur depuis des millénaires, constituent encore aujourd’hui les fondements de nos institutions modernes.

La séparation des pouvoirs

Montesquieu et Locke, parmi d’autres, ont posé le principe fondamental de la séparation des pouvoirs : le législatif, l’exécutif et le judiciaire doivent être indépendants pour garantir la justice et l’équité. Cela permet d’éviter que celui qui rend la justice soit le même que celui qui édicte les lois ou les applique.

Les Lumières

Sur ce socle s’est construite la pensée des Lumières, qui a donné naissance aux systèmes politiques modernes. Inspirés par l’idée de liberté individuelle et d’égalité des droits humains, les penseurs des Lumières, notamment en France, ont contesté les pouvoirs absolus, tant royaux que religieux.

Diderot, par exemple, écrivait : « Aucun homme n’a reçu de la nature le droit de commander aux autres. » Ce principe, essentiel à la démocratie, remet en cause les anciennes structures de pouvoir et ouvre la voie à de nouvelles formes de gouvernance plus justes et égalitaires.

Ces idées ont directement inspiré la Révolution française et la Révolution américaine, affirmant que tous les hommes sont égaux en droits et que le pouvoir doit revenir au peuple souverain.

La volonté d’abroger toutes les formes de domination d’un Homme sur un autre ne tardera pas à s’étendre, au femmes, aux prétendues races, aux colonisations…

Conclusion

Comprendre l’évolution de la démocratie et ses principes fondateurs, nous permettra de mieux saisir les enjeux politiques actuels. Nous vivons dans une continuité historique marquée par des débats, des recherches de solutions et parfois des erreurs, mais toujours avec la démocratie comme idéal en ligne de mire.

Paul de l’Isle.

Voir la partie 2 : Démocratiquement vôtre , oui mais comment ?

Et la partie 3 (En cours de rédaction): La grande maladie de la démocratie. ou le miracle démocratique ? 


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